Préambule  

Nous, représentants de multiples organisations de la société civile et d’organisations politiques, signataires de la présente, ci-après dénommés les Parties ;

Réunis à Port-au-Prince, suite à un processus de négociations inter-haïtiennes dans le cadre d’une Conférence Citoyenne pour une Solution Haïtienne à la Crise, ouverte le 17 Juillet 2021, en vue de parvenir à un accord pour sortir de l’impasse politique actuelle ;

Ayant procédé à une analyse approfondie de la situation dans le pays et ayant contemplé la nature des crises qui affectent périodiquement le fonctionnement du système politique ;

Déterminés à œuvrer à l’élimination des causes profondes de la situation actuelle et à promouvoir une véritable solution nationale fondée sur une réappropriation de notre souveraineté à travers une unité nationale respectueuse de l’intérêt général ;

Conscients que les mesures prises par les gouvernements de facto depuis la mise en caducité du Parlement le 13 janvier 2020 ont conduit à aggraver la crise rendant toute normalisation démocratique plus difficile dans le court terme ;

Rejetant, en conséquence, les nombreux décrets et actes inconstitutionnels pris par les gouvernements de facto ;

Voulant prévenir une situation de chaos et de violence préjudiciable à l’ensemble de la population et éviter, par là même, toute atteinte à la souveraineté nationale ;

Désirant arriver au rétablissement de l’ordre démocratique par la réalisation d’élections honnêtes et le rétablissement de la norme constitutionnelle ;

Constatant que le système électoral en place favorise la suppression d’électeurs et décourage la population à exercer son droit de vote ;

Cherchant, à cet effet, à rétablir la confiance de la population dans les élections et dans ses dirigeants élus par un réaménagement idoine du système électoral, l’établissement d’un climat de sécurité pour une stabilité politique durable ;

Reconnaissant l’urgence à restaurer durablement la stabilité dans notre pays et traduire dans la réalité les règles de bonne gouvernance, de transparence dans la gestion, de respect des droits humains, de justice et de lutte contre l’impunité ;

Réitérant, en l’espèce, notre attachement aux instruments nationaux et internationaux pertinents ;

Nourris de l’apport des Accords antérieurs et avertis des difficultés rencontrées dans leur mise en œuvre et leur suivi ;

Convenons de ce qui suit :

TITRE I : DISPOSITIONS GÉNÉRALES

Article 1er. – Le présent Accord vise à créer les conditions de la stabilité nationale en vue du retour à la normalité constitutionnelle et de la restauration de l’ordre démocratique. Il consacre solennellement les éléments d’un consensus indispensable pour un règlement concerté de la crise.

Article 2.- Les organisations de la société civile et les organisations politiques, parties à l’Accord, réitèrent leur attachement aux principes ci-après : 1. respect de la souveraineté de l’État ainsi que de sa forme républicaine et son caractère démocratique ; 2. rejet de la violence comme moyen d’expression politique et recours au dialogue et à la concertation pour le règlement des différends ; 3. respect des droits de l’Homme, de la dignité humaine, de l’égalité des sexes et des libertés fondamentales ; 4. lutte contre la corruption et l’impunité.

Article 3.- Les Parties s’engagent à mettre en œuvre, intégralement, les dispositions du présent Accord. Article 4.- Les Parties reconnaissent que la première garantie de l’aboutissement de l’Accord réside dans leur sincérité, leur bonne foi et leur responsabilité à assumer le contenu de l’Accord et à œuvrer à la mise en œuvre de l’ensemble de ses dispositions dans l’intérêt général de la population haïtienne et en particulier des couches les plus atteintes par la crise.

TITRE II : GOUVERNANCE POLITIQUE

Article 5.- Les dispositions de la Constitution de 1987 demeurent d’application, sauf en cas d’inapplicabilité.

Article 6.- Un Conseil National de Transition (CNT) est créé, composé de représentants de différents secteurs sociaux et politiques. a. Les paysans b. Les partis politiques c. Les organisations féministes d. Les organisations de Droits Humains e. Les organisations socio-professionnelles f. Le secteur privé g. Les organisations populaires h. Les syndicats i. Les Haïtiens de l’extérieur j. L’Université k. L’église catholique l. L’église protestante m. L’église épiscopale n. Le vodou

Article 7.- Au cas où un secteur n’arriverait pas dans un délai de 72 heures à désigner son ou ses représentant.es dans le CNT un autre secteur sera sollicité.

Article 8.- En vue d’assurer la gouvernance politique, les Parties conviennent de mettre en place un système gouvernemental bicéphale calqué sur le régime constitutionnel.

Article 9.- Le CNT choisira un Président/une Présidente et un Chef/une Cheffe de Gouvernement, sur la base de critères et mécanismes préalablement établis par l’instance désignée à cet effet.

Article 10.- Un organe de contrôle de l’exécutif dénommé Organe de contrôle de la transition (OCT) sera créé avec mission de veiller au respect des lois et de l’éthique dans la gestion de la chose publique. Il s’assure de la prise en compte des revendications populaires par le pouvoir politique.

Article 11.- L’OCT aura des pouvoirs réels et sera composé de 23 membres dont deux par département géographique et trois par la diaspora. Ils seront choisis sur la base de critères préalablement établis.

Article 12.- L’OCT reste en fonction jusqu’à l’installation des nouveaux parlementaires issus des élections.

Article 13.- Le Gouvernement soumet à l’appréciation de l’Organe de contrôle de la transition la liste des agents exécutifs intérimaires à nommer dans toutes les communes du pays. Les personnes recommandées par l’OCT seront nommées et resteront en fonction jusqu’à l’installation des conseils communaux issus des prochaines élections.

Article 14.- Les actes administratifs des autorités (budget de la République, cadre électoral, ..) feront l’objet d’un accord avec l’OCT qui aura force de loi.

Article 15.- Le Gouvernement favorisera, outre l’Organe de contrôle de la transition (OCT) et la conférence nationale, d’autres canaux de dialogue politique et social aptes à discuter des problèmes conjoncturels et, plus généralement, à accompagner le processus de transition.

Article 16.- Tous les décrets pris par après la mise en caducité du Parlement sont immédiatement rapportés, ainsi que les nominations illégales et arbitraires. De même, les corps armés illégaux sont immédiatement démobilisés.

Article 17.- Le Gouvernement entreprend l’évaluation du système électoral et entame les réformes pertinentes en vue d’un exercice adéquat du droit de vote par les citoyennes et les citoyens.

Article 18.- Dans les trente (30) jours de son installation, le Gouvernement engagera les consultations pour la mise en place d’un Conseil Électoral Provisoire (CEP) crédible, ayant pour mandat de conduire le processus de réforme du système électoral et de réaliser les élections locales, législatives puis présidentielles.

Article 19.- Les membres du Conseil Électoral Provisoire seront désignées selon l’esprit des dispositions transitoires relatives à la formation du Conseil Électoral Provisoire dans la Constitution de 1987.

TITRE III : DU SUIVI DE L’ACCORD

Article 20.- Il est créé un Bureau de suivi ayant pour mission : 1. La mise en œuvre dudit accord ; 2. La définition des procédures de mise en application (critères de choix, feuille de route) 3. La formation et l’installation du Conseil National de Transition et de l’Organe de contrôle Le Bureau de suivi est composé de : a. La Commission (CRSHC) b. Trois (3) représentant.es d’organisations de la société civile ne faisant pas déjà partie de la Commission ; c. Trois (3) représentant.es des organisations politiques ; d. Un/une (1) représentante du secteur populaire Au cas où un secteur n’arriverait pas dans un délai de 72 heures à désigner son ou ses représentant.es dans le Bureau de suivi, un autre secteur sera sollicité. Les fonctions du Bureau de suivi prennent fin avec l’installation des structures de la transition.

TITRE IV – DES AXES PROGRAMMATIQUES

Article 21.- Il demeure entendu entre les parties que les axes programmatiques ci-après mentionnés le sont à titre indicatif de l’orientation générale de la politique du Gouvernement. Ils seront complétés, déclinés à travers une feuille de route détaillée, avec un échéancier et un budget y correspondant. A cet effet, les membres des secteurs socioprofessionnels seront sollicités pour la déclinaison technique de cette feuille de route.

Article 22.- Les Parties s’entendent pour contribuer à l’élaboration de la feuille de route de la transition autour des grands axes programmatiques suivants : – Le système électoral – La sécurité – La justice et les droits humains – La corruption et l’impunité – Les urgences économiques – La santé et la gestion de l’urgence du COVID-19 – La conférence nationale souveraine – L’éducation – La culture – L’environnement et la gestion des risques et désastres – La coopération internationale et la diplomatie haïtienne Du système électoral

Article 23.- Le Gouvernement de transition assurera la transparence et la crédibilité ́ des prochaines élections générales en vue de permettre à toutes les Haïtiennes et à tous les Haïtiens de jouir de leur droit d’exprimer librement et équitablement leurs suffrages. Les élections générales présidentielle, législatives et locales se tiendront sur toute l’étendue du territoire national. Afin d’entretenir la confiance dans le processus électoral, ni le Président par intérim, ni le Premier Ministre, ne pourront être candidat.e.s aux prochaines élections présidentielles et législatives. De la sécurité

Article 24.- Une approche multisectorielle sera adoptée en vue d’apporter des réponses concrètes aux problèmes qui favorisent la délinquance, de prévenir la marginalisation qui offre aux gangs leurs recrues ; des mesures exceptionnelles à résultats visibles seront étudiées pour créer des emplois, améliorer les conditions matérielles de vie dans les zones à forte densité de population. De la justice et des droits humains

Article 25.- Des mesures sécuritaires seront prises pour permettre le fonctionnement régulier des tribunaux au niveau des dix-huit différentes juridictions du pays.

Article 26.- L’action publique sera mise en mouvement, dès l’entrée en fonction du pouvoir de transition, contre les individus présumés complices dans les différents actes de spoliation des fonds publics, de dilapidation des fonds Petro Caribe, de viols, d’enlèvements et d’assassinats, de massacres, de trafic d’armes et de stupéfiants.

Article 27.- Il sera constitué un fonds de réparation pour les victimes. Les populations victimes de massacres et de déplacements seront secourues en urgence et rétablies dans leurs droits.

Article 28.- Le Gouvernement veillera à ce que la période de crise ne soit l’occasion ni d’exactions ni d’actes de vengeances préjudiciables à la cohésion de la Nation.

Article 29.- Le CSPJ, conformément à la loi, proposera les nouveaux juges qui devront être nommés, après certification de leurs compétences et de leur intégrité morale. Le CSPJ prépare un rapport sur le fonctionnement de la justice haïtienne, présentant un état des lieux, un diagnostic et un train de mesures visant à renforcer son indépendance et son fonctionnement. De la corruption et de l’impunité

Article 30.- Tout arrêt de débet prononcé par la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif (CSCCA) découlant de l’audit de Petro Caribe devra occasionner la saisine de juges d’instruction sur ce dossier emblématique. Ces derniers bénéficieront du support technique, logistique, financier et de sécurité nécessaire à l’accomplissement de leur mission.

Article 31.- La mission des structures non indépendantes de lutte contre la corruption comportera deux volets : audits et enquêtes administratives sur les activités entreprises par les gouvernements précédents d’une part, contrôle de celles du gouvernement de transition, d’autre part. Le travail effectué par ces instances devra être présenté de façon périodique à la nation, ce qui contribuera à renforcer l’image et la légitimité du pouvoir de transition. La CSCCA, institution indépendante, devra également donner publicité à ses rapports. Des urgences économiques

Article 32.- Dans les trente jours de l’entrée en fonction du gouvernement de transition, les responsables de la DGI et de l’AGD devront présenter un état des lieux de ces institutions, ainsi qu’un plan de renforcement de leurs capacités de contrôle, de perception et de vérification. Les moyens technologiques seront mis à profit pour, à la fois, améliorer le service à la population, lutter contre la corruption et augmenter la transparence sur les impôts, taxes et droits collectés.

Article 33.- Le Gouvernement, dès les premiers jours de son installation se concentrera sur la préparation du budget 2022-2023, qui devra être validé par l’OCT et publié au 30 septembre.

Article 34.- Le Gouvernement poursuivra avec les syndicats des secteurs publics et privés un dialogue social franc et constructif. Des moyens seront mis en œuvre pour développer une politique de revalorisation de la paysannerie, à travers ses différentes filières de production (agriculture, agro foresterie, élevage, pêche, artisanat) dans la poursuite de la souveraineté alimentaire.

Article 35.- Le fonctionnement du Conseil supérieur des salaires sera régularisé pour favoriser la revalorisation des salaires de la fonction publique, du personnel enseignant et du personnel hospitalier, en particulier. Priorité sera donnée à la création d’emplois, la revalorisation des revenus et en particulier la révision des grilles salariales, la revitalisation de la production nationale et agricole en particulier.

Article 36.- Le Gouvernement s’engage à mettre tout en œuvre pour résoudre la question des arriérés de salaires des différentes catégories de personnels (enseignants, hospitaliers, etc) , et procédera aux ajustements nécessaires, dans un dialogue franc avec les concerné.e.s et au regard des moyens disponibles dans les fonds publics. De la santé, de l’hygiène publique et de la gestion de l’urgence de la COVID-19

Article 37.- Le Gouvernement mettra tout en œuvre pour enclencher la campagne de vaccination qui accordera la priorité aux personnes à risque, selon les capacités d’acquisition des vaccins, et ce sur une base volontaire.

Article 38.- Une attention particulière sera accordée aux réponses à fournir aux problèmes spécifiques de la santé des femmes, notamment en matière de santé préventive et reproductive. Les enfants, les handicapés, toutes les personnes vulnérables en général recevront une attention prioritaire. De la conférence nationale souveraine

Article 39.- Dans les 30 jours de son installation, le Gouvernement nomme un comité chargé d’organiser la Conférence Nationale Souveraine réclamée par de nombreux secteurs. De l’éducation

Article 40- Le Gouvernement de Transition ouvrira le chantier de la réforme de l’École Citoyenne fondée sur les valeurs d’égalité, d’intégration, de solidarité et promouvant la langue, l’Histoire, la culture du pays et rendant aptes les apprenant à relever les défis de la transformation économique et sociale de la République.

De la culture

Article 41.- Le Gouvernement initiera une politique culturelle audacieuse et généreuse qui irriguera tous les champs d’intervention publique. Une politique qui dans le domaine de l’éducation visera à initier nos enfants à nos arts, traditions, mœurs et religion tout en leur ouvrant la fenêtre sur les arts du monde. Au même titre qu’on enseigne le christianisme à l’école, le vaudou fera également partie des enseignements en matière de religion.

Article 42.- Un fond de soutien, dans la limite des fonds disponibles, aux artistes sera institué. Les modalités d’accès à ce fond seront élaborées en concertation avec les associations et autres groupes organisés du secteur culturel.

Article 43.- L’État, tout en réaffirmant son caractère laïque, favorisera une co-existence harmonieuse entre les différentes confessions religieuses présentes sur le territoire, dans le respect des croyances des uns et des autres. Le Gouvernement veillera à prévenir toute dérive conduisant à la stigmatisation et la violence contre la communauté vodou. De l’environnement et de la gestion des risques et désastres

Article 44.- Le Gouvernement, dès le premier mois de son installation, convoquera les assises de l’Environnement, du changement climatique et de la gestion des risques et désastres avec pour objectifs principaux l’identification des besoins et la mobilisation des moyens pour la prise en charge urgente de cette question. De la coopération internationale et de la diplomatie haïtienne

Article 45.- Le Gouvernement envisage la tenue d’une table ronde des bailleurs et amis de notre pays, afin de discuter d’un appui au financement de la feuille de route.

Article 46.- Le dégraissage de la fonction diplomatique sera mené sur la base d’une réévaluation de la représentation diplomatique d’Haïti à l’extérieur et de la mission de cette représentation définie dans la Feuille de Route. TITRE V : DISPOSITIONS FINALES

Article 47.- Les règlements de mise en application, une fois signés par le Bureau de suivi, seront considérés comme une annexe à l’accord.

Article 48.- Les dispositions du présent Accord et de ses annexes ne peuvent être modifiées qu’avec le consentement express des Parties.

Article 49.- Les annexes font partie intégrante de l’Accord et ont la même valeur que les autres dispositions du corps du texte, du préambule et de la déclaration de principe.

Article 50.- Le présent Accord entrera en vigueur dès sa signature par les Parties et sera publié dans le Journal Officiel Le Moniteur dès l’installation du Gouvernement de Transition.

Fait à Port-au-Prince