La présidente de la BCE, Christine Lagarde, a dit « surveiller attentivement » la progression de 10 % de la monnaie européenne face au billet vert depuis juin.

Par Eric Albert

Il commence à régner comme un léger parfum de guerre des monnaies. Depuis juin, l’euro s’est apprécié de 10 % face au dollar, désormais à 1,19 dollar pour 1 euro, au plus haut depuis début 2018. De quoi pousser Christine Lagarde, la présidente de la Banque centrale européenne (BCE), à s’en inquiéter publiquement, jeudi 10 septembre, lors de sa conférence de presse de rentrée. Elle « surveille attentivement » le sujet, explique-t-elle dans son langage diplomatique de banquière centrale.

Preuve de l’importance du dossier, la BCE a évoqué directement le taux de change dans la déclaration d’introduction de la conférence de presse, une première depuis janvier 2018. Ce texte, où chaque mot est pesé et passé au crible par les 25 membres du conseil des gouverneurs, ne doit rien au hasard.

Officiellement, le niveau de l’euro en tant que tel n’est pas un sujet. « Je n’ai jamais et je ne commenterai jamais le niveau du taux de change », assure Mme Lagarde. Historiquement, celui-ci n’est d’ailleurs pas exceptionnel. L’euro a frôlé 1,60 dollar en 2008, avant de descendre sous la barre de 1,25 en 2014, lors de la crise de la zone euro, et désormais d’osciller entre 1,10 et 1,20. « La devise européenne reste sous-évaluée », souligne Bruno Cavalier, économiste en chef à Oddo BHF. La zone euro, avec ses importants excédents commerciaux, en profite.

Déflation

La question, vue de la BCE, concerne l’impact sur l’indice des prix, particulièrement avec des mouvements aussi rapides. La hausse de la devise baisse mécaniquement le prix des importations, et pousse à la déflation. Cela tombe mal, la récession historique provoquée par le Covid-19 est elle-même déflationniste. L’indice des prix, en août, en zone euro, a reculé de 0,2 %, et il devrait rester négatif dans les mois qui viennent. « C’est largement attribuable à la hausse de l’euro », estime Mme Lagarde. Pour cette dernière, dont l’objectif officiel est d’avoir une inflation juste au-dessous de 2 %, la tâche devient d’autant plus compliquée.