« Joe Biden face à la colère croissante des démocrates sur sa politique migratoire », titre The Washington Post ce jeudi. « J’exhorte le président Biden à mettre immédiatement un terme à ces expulsions », a déclaré mardi Chuck Schumer, chef de la majorité démocrate au Sénat. « Nous ne pouvons pas continuer ces politiques haineuses et xénophobes de Trump qui ignorent nos lois sur les réfugiés. »

Le quotidien souligne « le malaise de la Maison Blanche pour expliquer le traitement cruel des migrants haïtiens par les gardes-frontières ». Et le fait de se retrouver pris dans des tirs croisés n’arrange rien : « d’un côté Joe Biden fait face aux attaques des républicains qui qualifient ses politiques migratoires de faibles et inefficaces. Et de l’autre de plus en plus de militants des droits des immigrants arrivent à la conclusion que le président ne tient pas ses promesses de campagne, à savoir : défendre les étrangers vulnérables à la recherche d’une vie meilleure aux États-Unis. La fureur de cette gauche marque un tournant pour le locataire de la Maison Blanche et sa recherche d’une solution dans ce dossier épineux qu’est l’immigration. »

De son côté, The Dallas Morning News vole au secours du président : « Il est facile pour les détracteurs de Joe Biden – qu’ils soient de droite ou de gauche – de le dénoncer. Ce ne sont pas eux qui doivent équilibrer la gestion de la crise en cours, entre traitement compatissant pour ces migrants qui viennent chercher de l’aide et nécessité de contrôler la frontière et de faire respecter les lois. » Par conséquent, le journal du Texas estime que Joe Biden « a raison d’user de son autorité pour renvoyer les migrants sur des vols charters ». Pas forcément en Haïti, mais « au Brésil et au Chili par exemple où ces Haïtiens s’étaient installés. L’administration américaine devrait rechercher des solutions régionales », préconise le Dallas Morning News avant de conclure : « Une politique d’admission clémente à notre frontière incitera davantage de migrants à faire le dangereux voyage vers le nord avec leurs familles. »

« L’Amérique perd son humanité et la diplomatie haïtienne, elle, perd son utilité »

Dans un article très fouillé, le site haïtien AyiboPost pointe aujourd’hui du doigt la coresponsabilité des États-Unis dans la crise actuelle : ce sont des armes fabriquées et vendues aux États-Unis qui sont « utilisées dans les guerres de gangs et pour le kidnapping en Haïti. Ces équipements amplifient l’insécurité qui – avec la précarité –, fait fuir les Haïtiens vers d’autres pays. Et ces mêmes Haïtiens sont aujourd’hui déportés en masse par l’administration de Joe Biden », fustige AyiboPost. « Si les États-Unis veulent réduire l’immigration, une façon de procéder reste d’apporter une contribution à la réduction de la violence à l’extérieur de leur pays », explique Eugenio Weigend, directeur associé au think tank American Progress. « Et la meilleure façon de le faire, c’est d’arrêter d’envoyer des armes qui augmentent le niveau de létalité des conflits. »

Pour le journal haïtien Le Nouvelliste, « l’Amérique perd son humanité et la diplomatie haïtienne, elle, perd son utilité ». Comment expliquer sinon qu’ « à la frontière du Texas, des milliers de nos compatriotes soient livrés à eux-mêmes. De rares agents consulaires pour les aider. Pas d’avocat délégué par l’État haïtien. Pas une déclaration forte du Premier ministre Ariel Henry. Rien », constate amèrement l’éditorialiste qui poursuit : « L’État haïtien accepte tout, ferme les yeux et ouvre la bouche pour avaler la honte. Nos irresponsables ingurgitent leurs incapacités, leurs manques et nos mauvaises politiques… de bonne grâce. » Et Le Nouvelliste de lancer cet appel : « Le Premier ministre Ariel Henry et son gouvernement, ses nouveaux alliés signataires de l’accord de la primature, les promoteurs des autres potentiels accords, la société civile, chacun doit se prononcer et activer ses relais, ses réseaux pour que le sacrifice et la honte des Haïtiens au Texas servent à quelque chose. »

1314 Haïtiens dont 404 enfants expulsés par l’administration Biden

 1314 migrants haïtiens, dont 578 hommes, 332 femmes et 404 enfants, ont été refoulés, du dimanche 19 au mercredi 22 septembre 2021, en Haïti, à travers 12 vols en provenance des Etats-Unis, a indiqué le directeur général de l’Office National de la Migration (ONM), Jean Negot Bonheur Delva, en conférence de presse, ce jeudi 23 septembre.

Les réactions se multiplient pour dénoncer ces expulsions

L’expulsion des migrants haïtiens à Del Rio au Texas (Etats-Unis d’Amérique) serait la conséquence de la gouvernance axée sur la corruption et l’impunité en Haïti, supportée par la communauté l’internationale, souligne la Plateforme des organisations haïtiennes des droits humains (POHDH), dans une note en date du 23 septembre 2021.

Elle déplore la gestion catastrophique du pays, conséquence directe des expulsions, par des dirigeants corrompus imposés pour la plupart par des puissances étrangères depuis plus d’un siècle. Elle critique également le laxisme de la diplomatie haïtienne, dans ce dossier d’expulsions des migrants haïtiens.

La POHDH appelle à « rompre avec cette politique mafieuse qui entrave l’avancée en matière des droits sociaux et économiques en Haïti ».