Après le renouvellement de l’état d’urgence sanitaire par le gouvernement jusqu’au 19 mai 2020, la situation est « très ambivalente», selon Frantz Duval, rédacteur en chef du Nouvelliste. Les gens ont passé le premier mois de l’état d’urgence en craignant une avalanche de contaminations au coronavirus. Mais pour l’instant cela ne s’est pas produit.

Jusqu’à présent 62 personnes ont été testé positives au Covid-19, quatre personnes sont décédées. « Il y a un sentiment d’incrédulité qui s’est répandu », explique Frantz Duval, les gens se disent que finalement il n’y pas de maladie. Ou alors ils estiment que la maladie n’est pas dangereuse. L’annonce du prolongement de l’état d’urgence sanitaire a été faite en toute discrétion, rappelle le rédacteur en chef du Nouvelliste, sans discours, sans paroles solennelles.

La reprise des activités

Depuis quelques jours, les habitants de Port au Prince au repris leur activités, on dirait presque un retour la vie normale, peut-on lire dans un reportage du Nouvelliste.  « On voit beaucoup plus de gens avec des masques dans la rue mais la distanciation sociale est très peu respectée, aussi bien à Port au Prince que dans les villes de province ». Frantz Duval évoque des cas où des malades ont été amenés à l’hôpital par des parents.  Il y a eu aussi des enterrements sans tenir compte d’aucune règle sanitaire. « Ce qui nous a beaucoup frappés, explique le rédacteur en chef, c’est de voir des employés des usines de sous-traitance (qui ont rouvert cette semaine NDLR) faisant fi des règles sanitaires. Ils les respectent à l’intérieur de l’usine mais pas à l’extérieur. Les gens pensent en fait que c’est une maladie de riches, de personnes qui ont voyagé ». D’après le rédacteur en chef, les gens ont du mal aussi à mettre les masques, ils trouvent toute sorte d’explications pour ne pas le mettre, qu’ils ne peuvent pas respirer, que cela ne leur convient pas etc. Ceci dit, pour l’instant il est difficile de se procureur de masques malgré une production locale. Finalement, tout tissu sert de masque, dont le port n’est pas obligatoire mais recommandé en Haïti.

Des promesses non tenues

Lors de la mise en place de l’État d’urgence sanitaire il y a un mois, le président a promis des aides financières aux professeurs et aux familles, la distribution de la nourriture pour des personnes dans le besoin. Mais force est de constater que rien de ce qui a été promis n’a été réalisé, explique Frantz Duval. La réalité c’est que l’État n’a pas de ressources, soutient-il. Cela fait plus d’un an et demi qu’Haïti vit au rythme de « pays lock » qui a complètement changé le cours de l’économie, qui a affaibli les recettes de l’État. La crise du Coronavirus survient à un moment où le gouvernement n’a pas de ressources.

Le coronavirus, une crise de plus

Parmi les multiples crises auxquelles le pays fait face se trouve la crise alimentaire. Selon une étude publiée par le Nouvelliste, environ 80% du riz consommé en Haïti est importé, principalement des États-Unis. Le rapport souligne que dans le passé, Haïti a été autosuffisant dans la production du riz.  Aujourd’hui, Haïti ne produit même pas 20% de sa consommation. Ce qui fait que le prix du riz ne cesse de grimper, explique Frantz Duval. Et ce n’est pas parce que le riz, aliment de base en Haïti est plus cher sur le marché mondial. La gourde, la monnaie nationale, perd de sa valeur, elle poursuit sa chute face au Dollar au fur et à mesure que le gouvernement actionne la planche à billets. « Les gens finissent par se dire que le Covid-19 c’est vraiment le dernier des soucis, on a déjà assez de problèmes. ».