Régulièrement, diverses agences spatiales organisent un exercice simulant l’impact d’un astéroïde sur la Terre. Le dernier en date s’est achevé vendredi… par l’annihilation de la ville de New York.

Heureusement, ce n’était pas la réalité. Vendredi, un grand exercice international de simulation d’impact d’astéroïde s’est achevé par un cataclysme : la destruction totale de la métropole de New York. Pendant cinq jours, quelque 200 astronomes, ingénieurs et spécialistes des situations d’urgence ont tenté, par tous les moyens, d’empêcher la catastrophe, en vain. Digne d’un film de science-fiction sans “happy end”.

Ce vaste exercice, conçu par un ingénieur aérospatial de la Nasa, a rassemblé l’agence spatiale américaine, la Fema (Agence américaine des situation d’urgence), le Bureau de coordination de défense planétaire et l’Agence spatiale européenne, à College Park, dans le Maryland. Lundi, le scénario a été donné aux participants : un astéroïde faisant entre 100 et 300 mètres de diamètre a été repéré dans l’espace, avec une probabilité de 1% de frapper la Terre le 29 avril 2027. 

Missions de reconnaissance et frappes spatiales

À partir de ce script de départ, les scientifiques devaient définir des stratégies, organiser des missions de reconnaissance et faire des propositions pour tenter de détruire ou dévier l’astéroïde menaçant. Chaque jour, leurs décisions étaient prises en compte par les maîtres du jeu, qui adaptaient le scénario en fonction. 

Et force est de constater que tout ne s’est pas très bien passé. La Nasa a décidé d’envoyer une sonde pour observer la menace de près en 2021. Ce qui a permis d’être formel sur la trajectoire du bolide : celui-ci se dirigeait droit vers la région de Denver, dans le Colorado, menaçant de la détruire totalement. Qu’à cela ne tienne, les grandes puissances spatiales (États-Unis, Europe, Russie, Chine, Japon) ont alors décidé de construire six vaisseaux “impacteurs”. Des sondes qui devaient frapper l’astéroïde pour dévier sa trajectoire mais nécessitaient de bien combiner les orbites et les impacts. Une opération d’ampleur qui prend du temps, évidemment. En 2024, trois de ces six impacteurs ont réussi à frapper l’astéroïde de manière coordonnée. 

Mais un morceau de 60 mètres a poursuivi sa course, droit vers la Terre. Les États-Unis ont bien essayé d’envoyer une ultime mission avec une charge nucléaire pour dévier le rocher, mais des désaccords politiques ont stoppé le projet. Au fil des mois, la probabilité que le bolide se fracasse sur notre planète est passée de 1 à 10, puis 100%. Six mois avant l’impact, les scientifiques ont réussi à déterminer la zone touchée : la région de New York. Deux mois avant, ils en étaient certains, l’astéroïde allait entrer dans l’atmosphère à 69.000 km/h, exploser à une quinzaine de kilomètres d’altitude au-dessus de Central Park, et détruire la ville. Avec une énergie explosive équivalente à 1.000 fois celle d’Hiroshima, le souffle allait tout détruire dans un rayon de 15 kilomètres.

Comment se comporter face à la fin du monde ?

Il ne restait donc plus qu’à se préparer. Et c’est là que les problèmes soulevés sont infinis. Comment évacuer dix millions de personnes ? Les ouragans réguliers ont montré la difficulté de la tâche. “Deux mois ne suffiront peut-être pas à évacuer. Il y aura des colonnes de camions de déménagement”, s’est emporté Brandy Johnson, représentante des “habitants en colère”. Qui paiera ? Qui accueillera les réfugiés ? Comment protéger les installations nucléaires et chimiques, les œuvres d’art ? Et comment se comporteront les citoyens face à une situation de fin du monde ?

Autant de questions, parfois triviales, que les participants ont dû se poser. “Si vous savez que votre maison sera détruite dans six mois, continuez-vous à rembourser votre emprunt ?”, a demandé Victoria Andrews, du bureau de défense planétaire de la Nasa. Les experts ont longuement débattu des questions d’assurances et juridiques. “Dans cette situation, selon le droit international, les Etats-Unis seront dans l’obligation d’indemniser, même s’ils ne sont pas en faute”, a noté Alissa Haddaji de Harvard, coordinatrice d’un groupe de quinze avocats du droit spatial créé pour répondre à ces questions. Finalement, l’annihilation de New York a bien eu lieu, transformant Manhattan en champ de ruines. Les vitres ont explosé jusqu’à 45 kilomètres à la ronde et les dégâts se sont étendus jusqu’à 68 kilomètres.

Évaluer la préparation et la coordination des services de sécurité planétaire

L’exercice est, bien sûr, extrême. “Très peu probable”, rassure Paul Chodas, l’ingénieur américain qui l’a conçu. “Mais nous voulions que tous les problèmes soient exposés et débattus.” Car derrière le jeu, qui n’a pas manqué d’exalter les passionnés d’astéroïde présents en dépit de discussions poussées sur l’apocalypse, se cachent de vrais enjeux. La simulation permet d’observer et d’évaluer le degré de préparation et d’engagement des services d’urgences et de sécurité planétaire, ainsi que la capacité de tous les acteurs de la chaîne à se coordonner. Des astronomes en ont aussi profité pour défendre le projet de télescope spatial NeoCam, qui permettrait de mieux repérer les astéroïdes et de réagir plus tôt en cas de menace.

Ce n’est pas la première fois que les scientifiques échouent à sauver la planète. En 2013 déjà, l’exercice s’était achevé par la destruction de la Côte d’Azur. Deux ans plus tard, c’est Dacca, la capitale du Bangladesh, qui en avait fait les frais. Il y a deux ans en revanche, les experts avaient pu crier victoire : grâce à une mission de la dernière chance, ils avaient dévié l’astéroïde avec une charge nucléaire, épargnant ainsi la ville de Tokyo. Feront-ils mieux en 2021 ? Rendez-vous est donné à Vienne. Paul Chodas n’exclut pas que, cette fois, l’Europe soit en ligne de mire.