Des milliers de délégués et d’experts venant de 180 pays sont réunis en ce moment à Genève pour tenter de renforcer les règles mises en place il y a quarante ans par la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES). Parmi les espèces qui sont menacées dans la flore africaine, il y a le bois de rose, un bois tropical très prisé en Chine. Il y a quelques années, Madagascar avait dû faire à des exportations sauvages. C’est maintenant le tour de l’Afrique de l’Ouest et en particulier du Ghana.
Habitué depuis longtemps à exporter ses fèves de cacao et son or, le Ghana voit depuis quelques années sortir des masses considérables de bois de rose. Beaucoup plus que ce que la biodiversité autoriserait. William K. Dumenu, chercheur à l’institut forestier du Ghana et auteur d’un rapport sur la question, dresse le constat suivant : « Le niveau auquel nous exploitons de bois de rose n’est pas durable. Nous abattons plus d’arbres qu’il n’en pousse naturellement. Il n’y a pas de plantations artificielles de bois de rose au Ghana. C’est à l’état naturel. Ces arbres se régénèrent par eux-mêmes. Donc, il faut couper à un rythme qui autorise la reproduction. Mais on en prend trop. Il faut savoir qu’il faut entre 40 et 100 ans même pour que le bois de rose atteigne la maturité pour être exploité ».
Ce qui explique cette exploitation excessive, ce sont les failles de la loi ghanéenne qui autorise l’abattage du bois de rose par les communautés forestières pour leur usage local. Cependant, il est facile de contourner ce texte.
Selon William Bandoh, spécialiste de la biodiversité à l’Institut forestier du Ghana, le facteur clé de violation de la loi est la démarche chinoise. « Les Chinois utilisent de l’argent, beaucoup d’argent, des millions de dollars. Ils ont entrepris de monopoliser la culture d’État et l’appareil d’État. Ils viennent avec leurs énormes quantités d’argent et avec leurs contacts locaux, ils essaient d’influencer les fonctionnaires des forêts, ils influencent les politiciens, les communautés locales et les chefs. Ils ont mis en place un système de pots-de-vin qui va de la forêt jusqu’au port d’exportation du bois. Il y a un système de corruption sophistiqué financé par l’argent chinois ».
Les trafiquants de bois de rose ont aussi recours à la violence, les coups ou encore les menaces sont monnaie courante. Jeremiyah Seido, responsable d’une association environnementale à Bole dans la région de Savannah au nord du Ghana, en fait fréquemment l’expérience.
Ce dernier revendique pour sa communauté le bénéfice de l’exploitation du bois de rose. « Un container de bois de rose vaut 65 000 dollars quand il quitte le Ghana. Mais dans les communautés, on ne touche même pas 10 000 dollars. Il faudrait que ce soit mieux géré. Quand on coupe le bois de rose, il faut que cela permette aux communautés de se doter de routes, d’écoles, de cliniques. Nous disons aussi que ces gens qui sont dans le bois de rose, sur les 65 000 dollars que cela vaut, ils devraient en consacrer au moins 10 000 pour replanter ces arbres et d’autres arbres pour régénérer l’environnement ».
Au-delà des dégâts économiques et environnementaux, l’exploitation illégale du bois de rose contribue aussi à diviser les populations entre ceux qui résistent et ceux qui touchent quelques billets.
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