Après environ huit ans de procédures, les juges de la chambre de première instance de la CPI ont décidé d’acquitter Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé, qui étaient poursuivis pour crimes contre l’humanité dans le cadre des violences postélectorales de 2010-2011. Mardi 15 janvier 2019 à La Haye, aux Pays-Bas, cette décision adoptée à la majorité de deux juges sur trois a été rendue publique dans la liesse. Un tournant complet, en attendant une nouvelle audience ce mercredi.
Depuis le tout début de la procédure, le procureur tient la même ligne d’accusation : l’ancien chef de l’État ivoirien et l’ex-leader des Jeunes Patriotes ont instauré une politique leur permettant de commettre des violences systématiques afin de se maintenir au pouvoir. Une thèse régulièrement remise en question, faute de preuves, par les différents juges qui abordent le dossier.
C’est seulement à la mi-mars 2018 qu’un tournant semble s’installer à La Haye. Le procureur vient alors de clore la présentation de sa thèse, avec à l’appui 82 témoins qui ont défilé à la barre. Mais le juge-président n’est pas convaincu et lui demande de repréciser son argumentation. Le document en main, la chambre autorise la défense à plaider l’acquittement avant de présenter ses témoins.
En novembre dernier, pendant une semaine, la défense pointe ainsi, une à une, les failles de l’enquête du procureur. Une plaidoirie qui a certainement fait pencher un second juge sur les trois en faveur du non-lieu. Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé seront donc acquittés de crimes contre l’humanité par la Cour pénale internationale. Décision rendue mardi par la chambre de première instance.
Scène de liesse devant le siège de la CPI
A l’origine, les juges de la chambre de première instance devaient statuer sur deux questions : la liberté provisoire et l’acquittement des deux accusés. Ils ont finalement axé leur déclaration sur le non-lieu. Sur la forme, la chambre a décidé de faire un exposé oral et de délivrer une version détaillée par écrit « le plus tôt possible ». Pour l’heure, elle s’est contentée de résumer son argumentation.
Sur le fond, les juges estiment que le procureur n’est pas parvenu à étayer sa thèse « d’une politique ayant pour but d’attaquer des civils », a expliqué le juge principal, Cufo Tarfusser. Manque de preuve également pour démontrer que les discours prononcés par Charles Blé Goudé ont pu susciter des crimes. Il était donc inutile, ont souligné les juges, que la défense présente ses preuves.
Les partisans des deux hommes en Europe, qui suivent le procès depuis fin janvier 2016, peuvent alors laisser exploser leur joie. Plusieurs dizaines de militants du FPI sont venus à l’aube de Paris, Londres et Bruxelles pour assister à l’audience. Ils portent des bonnets et des t-shirt à l’effigie de Laurent Gbagbo au-dessus de leurs manteaux. Ils improvisent, devant le tribunal, une cérémonie de prières.
Nouvelle audience ce mercredi à La Haye
Avant la décision, l’ambiance restait plutôt crispée. Tout comme dans la galerie qui surplombe la salle d’audience, où de nombreux diplomates, journalistes et militants avaient pris place. Mais à 11h, le juge-président a à peine le temps d’expliquer les raisons de sa décision que les pro-Gbagbo explosent de joie. A l’extérieur du tribunal, les militants sabrent le champagne. Certains ont les larmes aux yeux.
Depuis lors, tous ces sympathisants de la diaspora attendent avec impatience l’audience de ce mercredi, les discussions sur la remise en liberté des acquités. Les deux responsables politiques ivoiriens ont en effet passé la nuit en prison en attendant cette échéance. On devrait d’abord entendre le procureur sur sa volonté, ou non, de faire appel après l’acquittement de M. Gbagbo et Blé Goudé.
Autre question qui devrait se poser, dans un second temps, une fois les détails juridiques éclaircis : leurs projets. Charles Blé Goudé a fait savoir, par la voix de ses avocats, qu’il projette de rentrer en Côte d’Ivoire. Quant à l’ancien président ivoirien, aucun détail n’a été révélé sur ses intentions dans l’immédiat. La veille, tous deux sont restés quasiment de marbre tout au long de la lecture du délibéré.
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