200 enfants qui avaient absorbé des médicaments empoisonnés distribués par
les laboratoires Pharval, la justice de la République d’Haïti traîne encore
les pieds face aux demandes de réparation faites par les parents.

« Le dimanche 22 juin 2003 ramène le septième anniversaire de la
communication officielle du Ministère de la Santé Publique et de la
Population (MSPP) qui a reconnu que le diéthylène glycol a causé la mort de
plus de 200 enfants et le handicap physique et mental de 11 autres ayant
pris les médicaments Valodon et Afebril. En juin 2003, le dossier se trouve
bloqué depuis une année auprès de la Cour de Cassation de la République, où
se sont pourvus les avocats des laboratoires Pharval », a déclaré à
AlterPresse Pierre Berthony Philibert, porte-parole de l’Association des
Parents des Enfants Victimes d’Intoxication au Diéthylène Glycol
(APEVIDIGH).

Les parents des enfants ont exprimé leur désarroi face à l’attitude du
milieu médical qui craint d’apporter des soins aux enfants encore en vie,
parce que « ce sont les enfants ayant été contaminés par les médicaments
Pharval ».

Seul un médecin privé accepte de traiter les
11 enfants devenus handicapés après l’intoxication. L’Hôpital de
l’Université d’Etat d’Haïti, où plusieurs des enfants étaient suivis avant
l’intoxication, a très souvent rejeté les parents qui s’amènent avec ces
enfants, indique l’APEVIDICH dépourvue de moyens financiers , non seulement
pour assurer des soins adéquats à ces petits en Haïti, mais aussi pour
tenter des traitements à l’extérieur du pays.

« J’avais déjà un enfant qui a trépassé après avoir pris les mêmes
médicaments contaminés. Maintenant, j’ai cet enfant, aujourd’hui âgé de 10
ans, devenu handicapé, muet, anormal, agité, ne pouvant ni manger
correctement ni aller à l’école. Pour le donner à manger, je dois amarrer
ses bras et ses jambes. Et il pousse des cris terribles chaque fois qu’il
absorbe de la nourriture. Tantôt, il a de la diarrhée qui dure une semaine
et revient de façon intermittente. Tantôt, il a de la fièvre qui le
tourmente de temps à autre. Moi comme parent, j’endure ces souffrances jour
et nuit », explique Jean-Michel Saint-Val, son enfant malade assis sur ses
genoux.

Les enfants rescapés de l’intoxication souffrent aujourd’hui de différents
maux : certains ont vu leurs reins bloqués, d’autres sont devenus muets, la
plupart attrapent régulièrement de la fièvre et de la diarrhée. Ceux, qui
ont pu tout de même se rendre à l’école, éprouvent des difficultés énormes
d’apprentissage, par suite des effets des médicaments empoisonnés dans leur
cerveau.

Beaucoup de mères des enfants décédés ont fait état, à AlterPresse, de
traumatismes continus éprouvés depuis la disparition de leur progéniture.
Les unes ressentent des douleurs intermittentes, les autres évoquent des
prédispositions à avoir des hémorragies de temps à autre.

 « Chaque jour, j’imagine que mon enfant atteindrait tel âge, passerait
l’étape du préscolaire, franchirait le cycle primaire et tendrait à de
belles promesses d’avenir. De telles souffrances intérieures sont
éternelles, elles me font mal, chaque fois que je me rappelle mon enfant me
demandant maman, est-ce que je vais mourir. Et, à la date de son
anniversaire de naissance, je sens comme une blessure d’un coup de couteau
qui transperce mes entrailles, je me sens malade, je ne vis plus », raconte
Madame Joseph qui, depuis lors, n’a pas conçu d’autres enfants.

Pour Madame Joseph et d’autres mères interrogées par AlterPresse, les 7
années qui viennent de s’écouler ont été des périodes de tribulation, « un
véritable enfer » pour les parents des enfants victimes de l’intoxication au
diéthylène glycol. En plus de la perte ou du handicap des enfants, les
familles ont été aussi victimes de séquestration, de menaces de mort, de
calomnies.

« Ce qui nous affecte le plus, c’est l’attitude des laboratoires Pharval qui
n’ont jamais fait cas de l’ordonnance émise par la Cour d’Appel. Au moins,
les laboratoires Pharval auraient dû juger nécessaire de faire quelque chose
pour les enfants encore vivants », déplore l’association qui plaide pour que
jamais les enfants d’Haïti ne soient utilisés comme des cobayes.

 Les parents des enfants victimes ont aussi fait part de leurs frustrations
et de leur déception face à la lenteur de la machine judiciaire, malgré
toutes les étapes franchies et la mobilisation enclenchée depuis 1996 à
travers des grèves, manifestations, sit-in, conférences de presse et cris
multiples lancés aux oreilles de l’Etat. Pour eux, l’absence d’avancée
concrète après l’ordonnance de la Cour d’Appel renvoyant l’affaire
par-devant le tribunal correctionnel témoigne d’une mauvaise foi de la part
des autorités et de la partie défenderesse, les laboratoires Pharval.

La Presse étrangère s’est toujours interrogée sur l’évolution en Haïti du
dossier des enfants intoxiqués au diéthylène glycol, d’autant que les cas de
rescapés se sont révélés très rares à l’extérieur

L’Association des Parents des Enfants Victimes d’Intoxication au Diéthylène
Glycol signale que l’ancien président René Garcia Préval avait laissé trois
dossiers en souffrance, à son départ en 2001 : le dosier de l’assassinat de
Jean Dominique et du gardien de Radio Haïti Inter Jean-Claude Louissaint,
celui de Nanoune Myrthil dont son enfant nouveau-né a disparu de l’HUEH sans
que lumière n’ait été faite jusqu’en 2003, celui des enfants victimes des
médicaments empoisonnés.

Quoi qu’il en soit, l’association affirme vouloir continuer à se mobiliser
et à faire entendre sa voix sur les souffrances endurées, depuis la
disparition de la progéniture de ses membres qui espèrent trouver justice
et réparation un jour.

A noter que, selon des informations circulant à Port-au-Prince, le milieu
médical aurait gardé le silence sur la disparition, dans le sud du pays, de
dizaines d’autres enfants victimes de l’intoxication au diéthylène glycol en
plus des 200 enfants officiellement décédés après avoir absorbé les
médicaments contaminés distribués par les laboratoires Pharval.

Crédit:[AlterPresse]

[rc apr 27/06/2003 12:47]