L’ex-République soviétique a été cette semaine le théâtre d’un bras de fer entre le gouvernement et l’église orthodoxe nationale. Le premier souhaitait continuer à garder l’épidémie du coronavirus sous contrôle, tandis que la seconde appelait ses fidèles à se réunir massivement dans les églises pour célébrer Pâques.

D’habitude, les églises sont pleines à craquer le soir de Pâques. Maispour une fois, ce samedi soir, l’assistance était très dispersée. Il faut dire que les médias avaient martelé le même message : « Restez à la maison ». Un message qui, ce samedi soir, avait été repris dans un clip par tous les médecins en charge de la gestion de la crise.

Dans les petites églises, le clergé avait finalement accepté que les fidèles restent dehors, espacés. Ils pouvaient entrer dans les grandes églises et dans la cathédrale Sameba, mais en respectant un mètre de distance avec leurs voisins.

Un bras de fer qui a duré toute la semaine

L’Église apostolique géorgienne est une église nationale, propre aux Géorgiens. Particulièrement politique, elle cherche à avoir une forte emprise sur la vie de ses fidèles et du pays. Elle est elle-même déchirée en son clergé par de violents différends politiques.

La polémique s’était enflammée dès le jour de l’Annonciation, le 7 avril. Beaucoup avaient été horrifiés par le fait que la communion ait été donnée comme d’habitude avec une unique cuillère pour tous, et que chaque fidèle ait baisé les icônes les uns après les autres. Le gouvernement et une partie de la population se sont alors mis à redouter la veillée pascale. Un premier dialogue a été initié avec le Patriarcat, mais celui-ci a aussitôt dit vouloir fêter Pâques comme d’habitude.

Un de ses hiérarques, le métropolite Job, croix en main, tiare étincelante vissée sur la tête, a même affirmé lors d’une messe que le coronavirus ne tue que les personnes âgées qui, de toute façon, sont appelées à mourir dans un avenir proche.

N’osant s’opposer trop frontalement à l’église, le gouvernement a choisi de décréter un couvre-feu autour de Pâques entre 21h et 6h du matin, et d’interdire totalement l’usage de sa voiture pour empêcher les fidèles d’aller s’agglutiner à la veillée pascale. Dans cette fronde de l’Église contre le loi et contre les évidences scientifiques, une partie du clergé s’est désolidarisée du Patriarcat et a demandé aux fidèles de communier depuis chez eux.

Une lutte politique entre le pouvoir séculier et l’Église

L’Église géorgienne défie non seulement le pouvoir politique, le gouvernement, mais aussi les scientifiques, les médecins qui gèrent la crise en Géorgie, plutôt bien d’ailleurs. Mais l’Église géorgienne sait que ce gouvernement est faible, en ce qu’il n’ose pas l’affronter sur le plan des valeurs. Une sorte de combat de civilisation se déroule depuis des années entre les partisans des conservateurs, Église en tête, ce qui la rapproche de la Russie, et ceux de l’Occident libéral.

On a vu cette faiblesse du gouvernement lorsque la ministre de la Santé, Ekatarine Tikaradzé, en réponse à une question sur le risque de transmettre le coronavirus par la cuillère de communion, a répondu qu’elle ne savait pas, qu’il fallait pour cela faire des « recherches scientifiques ».