« Nous avons déjà battu tous les records de couverture médiatique. » Le 36e festival Vues d’Afrique de Montréal, rendez-vous incontournable du cinéma africain en Amérique du Nord, s’apprête à réussir son pari face à la pandémie du Covid-19. Ce vendredi 17 avril, pour la première fois, il ouvre ses portes sous forme d’édition numérique.

« Au Québec, les gens sont confinés. Donc, il y a vraiment tout un public disponible », nous confie, quelques heures avant l’ouverture du festival, Gérard Le Chêne, cofondateur et président de Vues d’Afrique. Cette année, il n’accueillera pas ses festivaliers dans les salles à Montréal, mais sur la plateforme de TV5 Québec-Canada (www.tv5unis.ca), du 17 au 26 avril, gratuitement, néanmoins limité au public canadien. Entretien.

Pratiquement tous les festivals prévus ces mois-ci sont en train d’annuler leur édition 2020. Pourquoi avez-vous décidé de maintenir Vues d’Afrique à travers une première édition numérique ?

Gérard Le Chêne :On a fait un virage qu’on a monté grâce à la coopération avec TV5 Québec-Canada, le petit frère de TV5 Monde. Donc, on va faire un festival numérique. Et une bonne majorité des ayants droits, les réalisateurs, les distributeurs, ont accepté que leurs films passent sur la plateforme. Ce qui est intéressant aussi, un mal pour un bien, on touche vraiment un nouveau public. On reçoit beaucoup d’intérêt. Pour nous, au Canada, le festival commence dans la nuit du mercredi sur jeudi, à minuit. Tous les films seront programmés et diffusés pendant deux jours, c’est-à-dire, après 48 heures, il y aura une nouvelle grille. Tout cela pendant dix jours, la durée initiale du festival prévu en salles.

Pour la première fois, vous allez décerner un Prix du public. La relation avec les festivaliers, va-t-elle changer à travers cette édition numérique ?

Oui. Il y aura toujours les jurés, les prix classiques dans les catégories fiction, documentaire, et une catégorie spécifique constituée de films québécois et canadiens sur l’Afrique et les pays créoles. Mais il y aura pour la première fois ce Prix du public, pour impliquer davantage le nouveau public qui va nous rejoindre.

Quel nouvel effet attendez-vous?

Au Québec, les gens sont actuellement confinés. Donc, il y a vraiment tout un public disponible et nous avons également des films destinés à toute la famille, aux jeunes. Je pense qu’on va toucher beaucoup plus de gens. Beaucoup consultent déjà le programme sur Internet. Cela laisse entrevoir une bonne fréquentation.

Le festival Vues d’Afrique est le rendez-vous incontournable du cinéma africain en Amérique du Nord. Espérez-vous une meilleure visibilité pour les films issus de 27 pays ?

Il y aura une restriction géolocalisée, les films proposés sur la plateforme de TV5 Québec-Canada seront uniquement accessibles au Canada. On avait beaucoup de sollicitations de différents pays africains et aussi de la France. Nous avons vraiment une excellente programmation, avec des films majeurs comme Divan à Tunis, de la Tunisienne Manele Labidi, Notre-Dame du Nil, du Franco-Afghan Atiq Rahimi, Le père de Nafi, du Sénégalais Mamadou Dia… La presse était vraiment enthousiaste. Nous avons battu tous les records de couverture médiatique. Je pense vraiment que cela va être positif pour le cinéma africain.

Vous avez reçu 1 600 films, sélectionné 64 fictions et documentaires. Quel est pour vous le fil rouge du cinéma africain actuel ?

Parmi les thèmes privilégiés, il y avait souvent les droits des femmes, la situation des enfants… Là, surtout pour les films maghrébins, il y a cette omniprésence de la menace terroriste. Depuis l’apparition du coronavirus, on en parle beaucoup moins, mais dans la programmation, on sent toujours, de manière directe ou indirecte, cette menace en toile de fond.

À l’origine, vous aviez mis à l’affiche huit films en réalité virtuelle (VR), dont une production rwandaise :Kigali’s First Women Moto Taxi Drivers, une histoire de femmes chauffeurs taxi-moto. Ces films en VR, sont-ils maintenus dans l’édition numérique ?

Malheureusement non, parce que, pour la réalité virtuelle, il faut des casques, un contact physique, un lieu physique pour installer les films. Cela s’appelle la réalité virtuelle, mais cela ne passe pas par une diffusion numérique. Malheureusement, on a dû abandonner la section Réalité virtuelle, pour l’instant.