L’ancien chef de l’Etat, condamné dans l’affaire « Lava Jato », est incarcéré depuis avril 2018 pour corruption.

Le Monde avec AFP Publié aujourd’hui à 20h50

Une manifestation devant les locaux de la police brésilienne, où est incarcéré l’ancien président Lula, le vendredi 8 novembre. RODOLFO BUHRER / REUTERS

La justice brésilienne a autorisé, vendredi 8 novembre, la libération de l’ancien président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva (2003-2010), condamné à huit ans et dix mois de prison après un procès controversé pour corruption dans l’affaire « Lava Jato » (« lavage express »). L’Agence France-Presse (AFP) a pu consulter son ordre de libération.

L’ancien chef de l’Etat avait engrangé une victoire juridique décisive, jeudi, à l’annonce d’une décision de la Cour suprême jugeant inconstitutionnelle la jurisprudence selon laquelle un condamné peut être emprisonné avant l’épuisement de l’ensemble de ses recours si sa condamnation a été confirmée en appel.Article réservé à nos abonnés Lire aussi  Lula : « Bolsonaro est d’abord le résultat d’un rejet de la politique »

Approuvée par six voix contre cinq, la décision enterre une mesure mise en place il y a trois ans et qui a contribué au succès de l’enquête anticorruption « Lava Jato ». Cette enquête est centrée sur des entreprises du bâtiment et des travaux publics (BTP) qui ont arrosé de pots-de-vin des responsables politiques et d’anciens cadres d’entreprises nationales en échange de contrats avec la compagnie pétrolière nationale Petroleo Brasileiro (Petrobras) et avec d’autres sociétés. Lula avait été accusé d’avoir bénéficié d’un triplex dans la station balnéaire de Guaruja, près de Sao Paulo, en échange de contrats accordés à une entreprise du BTP.

La perspective d’être emprisonné immédiatement après avoir perdu un premier procès en appel encourageait les suspects à négocier des accords de plaider-coupable avec les procureurs en leur fournissant des informations dans le cadre de l’enquête anticorruption. Le président de la Cour suprême, Jose Antonio Dias Toffoli, dont la voix a été décisive, a déclaré que les libérations ne seraient pas automatiques mais décidées par les tribunaux au cas par cas.Article réservé à nos abonnés Lire aussi  Brésil : l’ex-président Lula pourrait bientôt être libéré de prison

Un grand revers infligé à la lutte contre la corruption

Le magistrat Sergio Moro, qui a conduit l’enquête « Lava Jato » avant de devenir ministre de la justice du gouvernement de Jair Bolsonaro, avait averti avant la décision de la Cour suprême que revenir sur cette interprétation du code pénal constituerait un grand revers infligé à la lutte contre la corruption.

Les procureurs de « Lava Jato » ont déploré une décision qui compliquera leur tâche et favorisera l’impunité en raison des procédures d’appel « excessives » du système judiciaire brésilien. Le Parti des travailleurs (PT), dont est issu Lula, a salué l’arrêt de la Cour suprême. Sa présidente, Gleisi Hoffmann, l’a qualifié d’« étape très importante pour renforcer la démocratie et la Constitution à un moment où elles sont menacées par un gouvernement d’extrême droite ».Article réservé à nos abonnés Lire aussi  Au Brésil, la chute de Sergio Moro, l’ancien juge star de l’anticorruption

Selon le Conseil national de justice, près de 4 900 personnes pourraient potentiellement bénéficier de cet arrêt. Le barreau brésilien a fait valoir que la prison obligatoire violait la Constitution en ne respectant pas la présomption d’innocence des accusés tout au long de la procédure d’appel.