Le secrétaire américain à la Justice, William Barr, a indiqué jeudi que le gouvernement fédéral mettrait fin à un moratoire vieux de 16 ans sur la peine de mort afin d’exécuter cinq détenus.

Dans une lettre transmise jeudi au Bureau fédéral des prisons, M. Barr demande d’adopter un ajout au Protocole fédéral sur les exécutions et ainsi permettre que les peines capitales soient imposées à cinq condamnés à mort.

Le Congrès a expressément autorisé la peine de mort via des lois adoptées par les représentants du peuple dans les deux chambres du Congrès, et signées par le président, a soutenu le procureur général des États-Unis.

Le département de la Justice maintient l’état de droit – et nous devons aux victimes et à leurs familles d’aller de l’avant avec la peine imposée par le système de justice, lit-on encore dans la missive.


M. Barr demande également au Bureau des prisons de ne plus s’appuyer sur la méthode d’exécution consistant à injecter successivement trois médicaments, mais de plutôt utiliser uniquement du pentobarbital de sodium, en lien avec le huitième amendement de la Constitution, qui interdit au gouvernement d’imposer des peines cruelles ou inhabituelles.

Plusieurs États américains ont eu des problèmes en raison d’une pénurie d’un ou de plusieurs des médicaments habituellement utilisés pour les injections létales. Des erreurs de dosage ont aussi entraîné des souffrances importantes pour les condamnés.

En 2014, une exécution ratée en Oklahoma a poussé le président d’alors, Barack Obama, à ordonner un vaste examen de la peine de mort et des questions portant sur les médicaments servant aux injections létales.

Il est impossible de savoir ce qu’il est advenu de cet examen, et si cela changera la façon dont le gouvernement fédéral procède à des exécutions.

Le département a précisé que l’examen avait été effectué et que les exécutions pouvaient se poursuivre.

À l’échelle fédérale, les exécutions sont rares : on n’en compte que trois depuis qu’elles ont été autorisées de nouveau, en 1988, et la plus récente remonte à 2003.

Les cinq condamnés doivent être exécutés entre la mi-décembre, cette année, et la mi-janvier 2020.

Chacun de ces condamnés a épuisé ses recours, et il n’existe actuellement aucun obstacle à leur exécution, qui aura lieu au pénitencier fédéral de Terre Haute, en Indiana. D’autres exécutions seront prévues à des dates ultérieures, conclut M. Barr dans sa lettre.

Dissensions sur la peine de mort au sein de la Cour suprême américaine

Les désaccords au sein de la Cour suprême des États-Unis sur la peine de mort ont été mis en lumière lundi à l’occasion d’un différend sur la façon dont les juges ont géré les tentatives récentes des deux condamnés à mort en Alabama et au Texas de faire reporter leurs exécutions.

Dans les deux cas, les juges conservateurs – ils sont majoritaires à la haute juridiction – expriment leur scepticisme concernant les motivations de ces recours de dernière minute de condamnés à mort.

Dans l’affaire de l’Alabama, le juge Clarence Thomas, l’un des cinq juges dits conservateurs de la Cour sur les neuf, a produit un avis de 14 pages expliquant son point de vue défendant une décision de la Cour le 12 avril dernier qui ouvrait la voie à l’exécution de Christopher Price, 46 ans, condamné en 1993 à la peine capitale pour un meurtre commis en 1991 en Alabama.

L’ordonnance de la Cour a toutefois été envoyée trop tard pour que l’exécution puisse avoir lieu et Christopher Price est toujours dans le couloir de la mort.

Quelques minutes plus tard, la Cour suprême a publié un avis du juge conservateur Samuel Alito critiquant une décision de la Cour du 28 mars d’ordonner un sursis à une exécution au Texas concernant Patrick Murphy, parce que cet État avait empêché un conseiller spirituel bouddhiste de l’accompagner jusqu’à la chambre d’exécution.

Dans sa décision de lundi, le juge Clarence Thomas, rejoint par ses confrères conservateurs Samuel Alito et Neil Gorsuch, s’en prend au magistrat Stephen Breyer, connu pour ses positions contre la peine de mort et qui, avec les trois autres juges progressistes de la Cour suprême, avait voté contre la décision du 12 avril au sujet du condamné Price.

Retarder son exécution

Le condamné, écrit le juge Clarence Thomas lundi, avançait des arguments faibles sur le plan juridique ne visant qu’à retarder son exécution et pourtant, quatre membres de la Cour étaient prêts à soutenir sa stratégie non juridiquement étayée.

Stephen Breyer est le critique le plus virulent de la peine de mort à la Cour suprême. Il conteste la constitutionnalité de la peine capitale et soutient qu’elle est infligée de manière arbitraire et différente dans les divers États du pays.

Le mois dernier, Stephen Breyer écrivait que si les prisonniers ne peuvent être exécutés rapidement sans violer leurs droits, « il se peut qu’il n’y ait simplement pas de façon constitutionnelle d’appliquer la peine de mort ».

Concrètement, lors du vote d’avril, la Cour suprême cassait deux décisions de juridictions inférieures qui avaient retardé l’exécution de Christopher Price afin qu’il puisse donner suite à sa demande d’être exécuté au moyen d’un gaz létal au lieu d’une injection létale.

L’avis du juge Clarence Thomas rendu lundi a été publié en même temps que la décision de la Cour suprême rendue sur le fond.

Dans l’affaire du Texas, le juge Samuel Alito estime que le détenu Patrick Murphy avait attendu trop longtemps pour présenter sa demande et que le sursis obtenu de la Cour était de nature à encourager d’autres personnes à intenter des actions similaires de dernière minute.

« Cette Cour reçoit une demande de surseoir à pratiquement toutes les exécutions; ces demandes le sont presque toutes à la date d’exécution prévue ou peu après; et dans la grande majorité des cas, aucune raison valable ne justifie le dépôt tardif », écrit Samuel Alito.

Patrick Murphy purgeait une peine de 50 ans pour agression sexuelle aggravée quand il s’est échappé de prison avec six autres détenus en 2000. Un policier avait été tué dans les violences qui avaient suivi.